Carnets de (ma) campagne 6

Publié le par ELmaTador

Du "sent-bon" dans les champs

Dans ma contrée ensoleillée (on le saura...), nombreux sont les champs qu'on pourrait dire en friche mais que l'on appelle ici garrigue ou maquis, selon la hauteur et la touffeur de la végétation - reprenez vos cours de géographie de 6e, SVP !

 

 

Hormis d'improbables vergers et quelques rangs de thym et de romarin, les champs cultivés abritent l'une des trois cultures suivantes : la vigne (j'en ai déjà parlé puisque c'était un sujet prioritaire, et je n'y reviendrai pas ici), la truffière (c'est-à-dire des chênaies plantées dans le but de récolter des truffes. Bon, j'y ai goûté, pas de quoi en faire tout un plat, et pourtant il y a un restaurant ici qui en fait tout un menu, pour la modique somme de 60 € par tête de pipe, resto quelque peu guindé vous vous en doutez, où les serveurs sont au petit soin pour vous mettre à l'aise, ce qui a le don de produire chez moi le strict effet inverse) et la lavande. Le mois de juin sonne la floraison finale de la lavande, avant la moisson. Le mois de juin, c'est maintenant, c'est beau, c'est tout violet partout, ça sent jusque dans mon lit, la lavande sera donc mon sujet d'aujourd'hui.

 

 

En avant-propos, j'insiste sur le fait que la lavande n'est pas uniquement un parfum que Nana Mouskouri projette dans ses toilettes en chantant "coucouroucoucou paloma" (si toutefois il y a de la lavande dans les désodorisants à la lavande), mais avant tout une plante de climat méditerranéen. Aux Lillois et autres Bretons que j'entends d'ici me dire qu'ils en ont devant leur porte, je répondrai qu'on parle ici d'une culture d'envergure occupant des champs de plusieurs hectares et que cette lavandiculture (si ! si ! ça s'appelle comme ça !) doit permettre à ceux qui la pratiquent de subvenir à leurs besoins. C'est drôle, ce mot "subvenir" me fait penser à "subvention" ; je m'autorise ce rapprochement tant le métier d'agriculteur est devenu une vocation à laquelle répondent des gens courageux qui acceptent de bosser beaucoup pour gagner peu, et encore ils tiennent souvent le coup parce qu'ils sont aidés. La lavande ne fait pas exception, elle souffre également de la CRISE. Ca n'est pas la même CRISE que celle de la viticulture, mais ça fait mal quand même.

 

 

En même temps, je comprends que le secteur puisse connaître des difficultés, car les étendues de lavande sont immenses et je me demande bien ce qu'on peut faire de tout ça. J'ai acheté 1 l (un litre !) d'essence de lavandin voici quatre ans, la bouteille a tout au plus baissé d'un quart. La lavande, qui a le grand mérite de sentir bon, y compris la paille qui peut servir de fumier (mais quel fumet !), a le défaut de ne pas se manger, sinon ça solutionnerait le problème. Du coup, ça m'intéresse vachement moins, la lavande, que, mettons, la CRISE du saucisson ou la CRISE de la lentille du Puy. J'aide déjà la viticulture française à se relever, je laisse la lavande à d'autres. D'autres, c'est qui ? Essentiellement des professionnels de la cosmétique et de la savonnette et autres laboratoires pharmaceutiques.

 

 

Dans la série "un peu de science, ça ne fait pas de mal", quelques précisions sur la lavande. Sous ce terme, se rassemblent plusieurs dizaines d'espèces. Les deux plus connues sont lavandula angustifolia et lavandula latifolia. Mais si, vous les connaissez ! Lavandula angustifolia, c'est la lavande fine, dite aussi officinale ou vraie (comme si les autres étaient fausses...). Elle pousse assez haut, jusqu'à 1500 m d'altitude. Et comme elle est officinale, elle sert à se soigner : son essence est cicatrisante et relaxante. Lavandula latifolia, c'est la lavande aspic, qui a plusieurs petits épis, ce qui la différencie de l'autre (du moins il paraît, moi je n'ai pas remarqué parce que je ne me suis jamais trouvé en présence des deux en même temps). Aspic, comme la vipère : étymologiquement, il n'y a aucun rapport, mais géographiquement, pourquoi pas, et j'aime bien ce rapprochement impromptu propre à dissuader les badauds d'aller flâner dans les champs de lavande.

 

 

Enfin il y a le lavandin, qui est un hybride des deux précédentes. Si vous avez un savon à la lavande, il y a des chances que ce soit du lavandin. De fait, il est plus facile de dire lavande que lavandin, le mensonge est bénin mais courant.

 

 

En très bref, comment ça marche : on moissonne (le plus souvent avec une machine), on met tout ça (fleurs et tige) dans un gigantesque alambic qui répand son odeur à 10 kilomètres à la ronde, on récupère l'essence (plus précisément l'huile essentielle) et on met en tas le marc, moût ou quel que soit son nom, ce "fumier" dont je parlais ci-dessus qu'on peut répandre ensuite sur les champs. En gros, je crois que ça se passe comme ça, vous pourrez corriger, je tâcherai de m'informer un peu mieux.

 

 

Précision finale : si on parle beaucoup de biocarburants, mieux vaut éviter de mettre de l'essence de lavande dans votre réservoir, même si ça sent meilleur que le gasoil. De toute façon, je ne connais pas un seul imbécile qui ferait cela, étant donné que l'essence de lavande coûte vingt ou trente fois plus cher que du gasoil. Qu'on ne vienne pas me dire que l'argent n'a pas d'odeur !

 

Publié dans cafeducommerce

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article