Docteur, j’crois qu’j’ai la Sarkozyte qui m’démange

Docteur, j’ai la Sarkozyte qui me dérange, la langue qui s’étend, le cerveau tout penaud, le cœur qui s’écœure. Bref, j’ai chopé comme qui dirait un virus qui traîne. Pourtant, on m’a dit que le pic de l’épidémie était passé, mais qu’on n’est pas sûr d’une rechute dans tout l’pays.

J’vous explique comment que j’ai vu qu’ça n’allait pas fort. D’abord, ma femme s’est inquiété parce que je n’la consulte plus : le matin, j’me dis par exemple que j’vais repeindre en rose fuschia not’ chambre, et dans la journée, faut qu’ce soit fait. Forcément, elle est surprise au retour du boulot, et elle gueule parce qu’elle m’demande où qu’on va dormir, vu qu’on vit dans un deux-pièces, et qu’ça fait des émanations toxiques de partout.

Pis après, y’a encore pire ! Y’a qu’elle qui bosse. Chui au chomdu depuis des lustres. Délocalisation, qu’y m’ont dit. J’ai pas tout compris. Donc, elle bosse, elle fait des ménages par ci par là. Eh ben, y’a des jours, j’peux pas m’empêcher d’la réveiller à 4 heures du mat’ pour lui gueuler dessus et l’envoyer bosser, histoire de gagner plein de pognon. Elle m’dit qu’elle gagne surtout des poches sous les yeux et des varices, à ce rythme-là.

Moi j’passe mes jours au troquet, chez François, qu’ça s’appelle. Y m’vire souvent d’ailleurs parce que j’peux pas m’empêcher d’passer derrière l’comptoir pour donner des conseils sur la manière d’changer les fûts de Kro, ou doser l’anisette. Pourtant, j’y connais que dalle, il a raison, le François.   

J’me suis mis aussi à réécrire le dico. Y’a un vieux Larousse qui traînait, alors j’me suis dis un matin qu’j’étais bien pris par la Sarkozyte que pour m’occuper, j’pourrais œuvrer pour la patrie. J’travaille pas dans l’ordre alphabétique, mais quand je chope un mot qu’est pas bien expliqué, j’le refais. Par exemple, début janvier, j’ai refait l’article « monarchie » : régime d’un seul homme qui se transmet de manière héréditaire. Pas mal, hein ? Bon, y’a François, pas l’cafetier, un copain, qui m’a repris de son ton d’instit, mais j’l’ai pas écouté.

Mon voisin Vincent m’emmène régulièrement à la pêche dans sa caisse. Il a une cabane au bord d’un étang où qu’on s’fait des barbec’ en refaisant le monde. J’dis à ma femme, que c’est toujours ça d’économisé pour le foyer. Mais elle me répond que l’essence, j’la paie bien dix fois parce qu’entre les coups payés à Vincent au troquet et la tondeuse qu’y m’emprunte chaque semaine sans la nettoyer après, ou les kilos d’farine, les bouteilles d’huile, les boîtes de sel qu’sa femme vient puiser chaque deux jours dans not’ réserve, elle a pas tort, y z’abusent un peu. 

Hier encore, j’ai eu une super idée, mais j’me suis fait jeter sur le pavé par la Simone, une copine pourtant. Il était p’têtre dix heures du mat’. Elle achetait des timbres au troquet de François et j’étais en train d’expliquer mon inspiration de cinq heures de c’matin-là (c’est souvent au réveil qu’j’ai des idées génialissimes). J’vous la livre : j’ai des neveux qui chient sur la patrie, sur le gouvernement, et qu’ont un passé qui remonte à la finale de la dernière Star Ac’. Ça m’a trotté dans la tête. Comment leur en faire bouffer, un peu d’mémoire ? Alors j’me suis dit : mon p’tit Nic, y vont venir chaque semaine lustrer ta collec’ de casques de guerre et d’uniformes. J’en ai pas mal, tous des Amerloques, parce qu’y m’ fascinent. Y’ f’raient l’salut militaire au drapeau, l’clairon et la corvée de chiottes pour les récalcitrants. J’aurais pu leur glisser quelques règles sur la discipline, les empêcher de dev’nir comme ces feignasses de fonctionnaires qu’en foutent pas une et qui gueulent encore qu’on assassine les services publics.

Docteur, j’vous ai dressé l’tableau. Y’a des moments comme en ce moment où j’vous cause où j’sens bien qu’tout ça est pas normal normal, que j’fais chier tout l’monde et même, des fois, j’me fais peur à moi-même. C’est quand je suis lucide, mais ça arrive de moins en moins souvent.

Docteur, vous pouvez faire quelque chose ?